vendredi 5 octobre 2007

Patience d'enfant.


Patience d’enfant.

Dehors, il pleut. Sans que le ciel soit gris, les gouttelettes traversent les rayons de soleil de cette froide journée d’automne. Elles parcourent leur chemin depuis le ciel avant d’imploser sur les trottoirs et les carreaux des fenêtres.
Cerise observe justement l’extérieur de la salle de classe où l’heure d’étude suivant les horaires habituels de cours vient de s’achever dans le brouhaha. Les cris de ses camarades, heureux de reconquérir leurs parents, un père, une mère, venus retrouver l’homogène mélange de leur sang et de leur amour.
La petite voit la salle se vider bien vite. Deux ou trois demeurent, comme elle, assis, occupés à jouer, à lire, à papoter, mais à peine le temps que commence sa longue attente. A dix ans, elle est habituée, s’accommode, aux retards de sa mère, prise par son travail, pour qui l’on pourrait croire que la ponctualité est relative par intervalle d’une heure.
Elle se pose toujours dans le même coin de la salle, pas trop éloignée de son minuscule bureau d’élève, pouvant à sa guise s’emparer d’un crayon, d’une gomme. Ainsi, lorsque l’attente se prolonge, elle finit par totalement s’installer sur le large rebord de la fenêtre. Passée l’heure d’étude, c’est comme si elle se levait brusquement de sa chaise pour l’en repousser, n’y apposant plus jamais son regard jusqu’au lendemain.

Installée sur son perchoir, elle évoque la domination de son attente, silencieuse et imposante comme une statue. Mais en totale opposition à ces effigies vulgaires, vaguement féminines de part leur nudité, sans âmes, sans expressions assimilables sur l’instant. La concentration est obsolète, nulle besoin de capacités d’analyses pour saisir l’émotion de ses lèvres soudées ; dessinant souvent jusqu’à l’arrivée de sa mère, qui aura couru tout le long du chemin.

Plus d’une fois les enseignants de Cerise s’étaient inquiétés, et il fallut que sa maman convainc la directrice, lors d’un long entretien, de la précarité de la situation ; ne lui permettant pas de s’offrir les services d’une nourrice, ni de se libérer plus tôt. En résumé, elle n’était pas une mauvaise mère, mais se trouvait coincer dans le cercle vicieux du travail/divorce/vie de famille.

La gamine ne montrait jamais de mécontentements à voir sa maman débouler. Il lui arrivait de la rejoindre calmement à la sortie de la salle, quand elle la voyait arriver depuis son poste d’observation. Malgré tout, elle ne refusait jamais la compagnie de sa mère, ni de lui tenir la main. Elle ne boudait pas.

Sa maitresse de l’année en cours, se consolait du chagrin de la petite en les regardant repartir chaque soir de la semaine, main dans la main, l’une semblant soutenir l’autre.
Accoutumée à rester longuement après le départ des enfants, afin de corriger des copies, ranger la salle, l’institutrice et la mère de Cerise avaient trouvé une sorte d’arrangement, n’incommodant nullement celle-ci, prise entre la concentration nécessaire à son travail et la confiance qu’elle accorda rapidement à la petite, enfant calme et consciencieuse.

Quelques fois, marquant une pause dans ses corrections, elle relevait la tête et la regardait, immergée dans son attente.
Quand elle ne dessinait pas, elle relisait ses leçons, ou fermait ses livres et cahiers pour ne rien faire de plus que de figer ses yeux vers l’extérieur. C’est là que l’institutrice se trouvait la plus inquiète, comme si l’inactivité de Cerise exprimait un manque qu’elle ne saurait justifier. Incapable d’accabler une mère aimante devant une certaine fatalité contemporaine, elle se replongeait soit dans son travail, soit dans l’observation de l’enfant, dont l’attention se détournait rarement des évènements du plein air.

Attendre sans attendre, voilà ce qu’elle tentait d’appliquer. Si jeune fut-elle, elle apprit qu’attendre en ne pensant qu’au sujet de son attente ne faisait qu’en allonger le délai. Elle s’engouffrait dans la contemplation de ce qui pouvait se passer au dehors, qui retiendrait ses pensées assez longtemps pour délaisser les minutes qu’il lui faudrait encore affronter.

Il y eut bien quelques camarades lui faisant des signes d’au-revoir, auxquels elle répondit chaque fois. Les voyant évacués les lieux par l’allée tant empruntée, matin et soir, elle reconnaissait facilement dans la foule le papa de l’un, aux côtés de celui d’un autre.

Puis, le silence et le vide de présence revenu, elle vit des chats nomades s’approcher à pas délicats, rôder dans les parages de l’école. Elle aimait leur apparition, élégants survivants de la rue, elle leur comparait Charly, le vieux chat qui l’attendait à la maison chaque soir. Il n’avait rien du fauve, mais s’apparentait plutôt à la peluche, pataud, mué d’une perpétuelle fatigue, allongé la plupart du temps au fond de l’un des canapés.
Ceux-là étaient farouches, possédés par la quête de leur survie. Alors que l’heure avançait, elle espérait leur venue. Tantôt pouvait apparaître un grisâtre ou un roux, un boiteux ou un furieux.

Ce soir, la nuit se coucha bordée du drap d’une fine pluie persistante. Le soleil disparut sans qu’elle ne le vit s’éclipser. La toile des parapluies remplaça les visages, les passants se trouvèrent pressés et de moins en moins nombreux. Il n’y eut pas d’au-revoir d’amis. Non, tous avaient fuis.

Il lui fut d’abord difficile de discerner les ombres à quatre pattes qui longèrent le mur, mais se concentrant, elle aperçut deux sombres silhouettes s’arrêter près d’un sac de détritus, abandonné contre un réverbère. Allumé, celui-ci l’aida à observer la paire de petits félins furetant autour de ce qu’elle s’imagina être une proie.
L’un des deux était plus petit que l’autre et le plus gros éventra le sac en quelques coups de griffes. L’autre s’approcha et ils commencèrent à fouiner, le museau entrant et sortant du sac par intermittence.

L’institutrice, alertée par l’attitude intéressée de Cerise ; s’étant mise sur ses genoux, les mains sur les carreaux ; se tint debout et tenta de suivre son regard. Elle dénicha rapidement la seule chose à voir et s’intéressa elle aussi aux bêtes intrépides. Cerise sourit. Alors elle se leva et s’approcha pour lui murmurer :

« Vois-tu, ce doit-être la mère et son chaton. Un peu comme toi et ta maman, ils avancent comme ils le peuvent, et même si c’est difficile pour l’un et l’autre, comme pour vous deux, ils restent unis. »

Ni Cerise, ni sa maitresse ne virent un parapluie bordeaux pénétré en hâte dans l’obscurité de la court.

La maman se tint sur le pas de la porte de la salle de classe. Quand elle frappa pour s’annoncer, Cerise se retourna en un élan, souriante, s’emparant de ses affaires avant de sauter au cou de sa mère.
Les deux femmes échangèrent un regard d’estime et de compassion. Puis mère et fille quittèrent l’enceinte de l’école, couvertes de l’apaisante présence d’une alliée dans leur apparente vie de chats errants.


JUmo. 2007


( Image d'Alice Thompson www.alicethomson.co.uk/figures.html. )



Lucie.


Lucie.


Imaginez un des plus grands centre économique européen où l’affluence d’employés en tout genre s’y dénombre par milliers. Des franciliens pour la plupart, travaillant dur, accablés du stress omniprésent de leur vie salariale.
Usant des transports en commun, ou par l’utilisation d’un véhicule personnel, qu’importe, les gens y parviennent ; comme s’il fut agi d’un rendez-vous religieux ponctuel, quotidien.

Les autobus se débarrassent de leurs passagers, les escaliers mécaniques en imitent la marche. Tous se précipitent en direction de divers bâtiments, aguerris à la seconde prêt du chemin restant à parcourir. Certains luttent contre le temps, se précipitant inutilement.

Lucie se presse depuis qu’elle est sortie de la rame de métro. Dans les couloirs, à plusieurs reprises déjà, elle faillit chuter, les talons de ses chaussures se dérobant sous son pas. Vêtue d’une veste assortie à sa jupe, coupée aux genoux, elle sait ne pas avoir la tenue adéquate, et à même conscience que cette course lui permettra, au mieux, de limiter son retard ; quand à lui inévitable.

Elle se précipite chaque jour, depuis cette année 1999 où, avec son mari, ils décidèrent d’abandonner la capitale pour s’installer dans une petite ville située à une cinquantaine de kilomètres de Paris.
Leur enfant fut d’ailleurs l’instigateur du projet et c’est avec l’ambition de développer son cadre de vie qu’ils prirent cette décision.
Les proches écoles, la campagne se dessinant alentours, le repos, ainsi que l’investissement dans une maison dont les pierres recelaient l’histoire inconnue de leurs vieux jours, tout cela valait les efforts d’un réveil matinal et de nombreuses heures de trajets quotidiens.

Lucie, à l’instar de son époux, travaille donc dans la capitale et l’un comme l’autre n’ont pas jugé utile, ou ne serait-ce qu’envisageable de changer de travail ; sacrifier les années d’ancienneté, de labeur, dans un monde ouvrier où les quinquagénaires n’ont semble-t-il plus leur place.

Secrétaire depuis plus de vingt ans pour une société affiliée à un grand groupe industriel, elle apprit avec le temps à sacrifier ses envies, ses rêves d’enfant, d’adolescente, de femme.
En ceci, elle regagne un peu de cette liberté, quand, elle retrouve ce qui, au bout de paiement des échéances, deviendra son « chez-elle ». Elle jardine, fait la cuisine pour sa famille, son fils et ses amis devenus grands et s’autorise quelques loisirs. Avec une préférence immodérée pour la décoration ; bricolant toutes sortes d’objets, de vieux meubles en majorité, peignant, sciant, cousant, accommodant chaque face, chaque angle et détail comme elle le désire.

Toute jeune, elle s’adonnait déjà à cet amour des belles choses, sans réelle valeur pécuniaire, simplement belles. La passion de la vaisselle y prit une place prépondérante. A maintes occasions ne s’est-elle pas émerveillée de formes, de couleurs, diversement associées, lui procurant cette joie d’y voir plus qu’une vieille écuelle, où deux couverts s’y trouvaient joints.

La céramique, la porcelaine, toutes ces fragilités exercèrent un attrait sur elle. Comme autant de savoir-faire nécessaires, elle s’intéressa aux métiers s’en approchant. La confection de poteries, des vases aux terrines de terres cuites, de meubles, et plus encore la minutie des fines ornementations de services de tables entiers, l’intérêt se décupla hors des limites que l’on qualifie de raisonnables.

Elle se refusa très tôt, et encore aujourd’hui, le loisir de se promener au gré des rues, déambuler d’atelier en atelier, assouvir une soif de connaissance paradoxalement insatiable.

Résignée, mais sans en repousser l’influence, elle apprécia ces petites babioles qu’elle su marquées de ses pinceaux et vernis. Les seuls rêves de cette passion auxquels elle consentit furent alliés aux minutes, où demeurant immobile, elle avala les images de ces orfèvres travaillant le dos courbé sur de minuscules pièces.
Devant cet unique atelier de confection devenu vitrine, où elle se permit de courts mais réguliers arrêts, elle sembla retrouver la jeunesse de ses idéaux, avant de rentrer chez-elle où la réalité ne s’alliait pas obligatoirement aux regrets passés.


JUmo. 2007

vendredi 28 septembre 2007

L'arbre et l'Homme.


L’Arbre et l’Homme.


Gare de Lyon, monstre de gare, aux multiples services , sorties, accès et usages. On y emprunte le métro, les trains de grandes lignes, de banlieues, les bus, ou le taxi. Une véritable plaque tournante de l’Est parisien. Il y a aussi les kiosques à journaux, les agents d’accueil, une foule d’inconnus, et de jeunes gens utilisant un coin non aménagé des locaux pour travailler leurs pas de « Brake-dance », ou plus communément appelée « Hip hop ».

De multiples sorties donc. Entre toutes, celle de l’Horloge, donnant sur une ribambelle de taxis dont les chauffeurs attendent de futurs clients, celle de la rue de Bercy où les autobus s'embrassent en formant un mille pattes pouvant atteindre deux cents mètres. Et enfin, pour écourter la liste, celle de la place Henri Frenay. Là se croisent toutes sortes de gens. La plupart ne font que s’engouffrer dans la gare, mais la découpe en arc de cercle du périmètre offre un immense banc de pierre aux voyageurs attendant l’horaire de leur train, aux curieux souhaitant s’y reposer quelques minutes lors d’une belle journée ensoleillée. Malheureusement, il semble qu’il y ait aussi ceux qui y vivent.

Le soir venu, et parfois l’après-midi, se forment de curieux groupes d’hommes, qui, si l’on s’en approche assez pour pouvoir entendre leur voix, parlent une langue de l’Est européen. Ils sont là, ne font de mal à personne, à priori, sauf lorsqu’ils boivent trop paraît-il, difficile de savoir.
Peu importe. Le vieux Mamadou n’est pas loin. Il y vit lui, réellement, aux abords de la gare. Tout les jours, il vadrouille en tendant sa main, faisant la manche, se posant tantôt dans un recoin d’une allée fréquentée de nombreux passants, tantôt dans un endroit éloigné de tous, reclus dans sa misère, en compagnie d’un bouteille plastique de mauvais vin. Il peut se montrer capable de la plus grande gentillesse comme de la plus élaborée des colères, quand, par exemple, la bouteille vient à être vide. Alors, il parle du Sénégal, terre d’enfance, en criant des phrases décousues, incompréhensibles quelques fois. Il évoque les lions, les grandes bêtes sauvages, que même la savane ne domine qu’au moyen de violents incendies, lorsque « la brousse rappelle à ceux qu’elle héberge, qui vit, qui nourrit, et qui détruit ». Il dut être un grand homme, le vieux Mamadou, peut-être un professeur, là-bas, « à l’horizon qui vit naître le soleil ».
Il crie sur les hommes, des étrangers pour lui, car « qui ne salue ou n’y répond reste inconnu. Une fois le cap dépassé, il devient quelqu’un par l’intonation de sa voix, par les manières et formules usées pour s’exprimer ».

Personne n’y comprendrait rien. Comment en est-il arrivé là ? A jouer devant un public qui n’y reconnaît que l’illustration de la décadence et du résultat auquel il ne faut pas aboutir dans sa vie. Certains évitent de croiser son regard vitreux, d’autres son chemin. Quelques uns lui donnent une ou deux piécettes régulièrement, d’autres au passage, s’épargnant la peine de ranger la monnaie d’un café avalé à la hâte avant de quitter la gare, ou encore, par simple générosité.

La générosité, voici un troublant sujet de réflexion. Elle est souvent mise en cause par les médias et se retrouve donc sur les lèvres des Hommes, au croisement d’une rue, à la sortie des écoles. Le paradoxe tourne, en résumant la situation à quelques mots, autour du fait de savoir si les gens veulent encore donner ou ne peuvent plus le faire. Les réponses sont claires, les résultats sont toujours positifs, le Téléthon, grande manifestation télévisée, affiche, pour ne citer qu’elle, la barre du million d’euros, largement dépassée, chaque année. Les associations fleurissent, les démarches d’appel suivent. Le véritable problème réside, et tout le monde en convient, dans le nombre de fondations, de comités et de ligues en constante augmentation. Reflet d’une misère grandissante ? D’un abus de certains membres de la société actuelle, vivant du labeur des autres ? Différencier les méritants et nécessiteux des fainéants et usurpateurs, hypocrites, voilà où est la difficulté.
Alors chacun se trouve libre de répondre comme il juge utile aux assaillantes implorations de ses semblables. Tout le monde peut donner, partager, reste à déterminer comment, par quels moyens. Les éventualités sont multiples et propices à se montrer, en de brèves occasions, ouvert à cet entourage. Il ne faut pas tomber dans une certaine naïveté, là est le danger. Savoir donner, oui, accepter d’être dupé, non.

Pour en revenir à Mamadou, l’opportunité est toute trouvée, pourquoi ne pas lui donner une pièce comme ces passants, ces inconnus s’imaginant généreux ?

Réceptif, il en est un. Il note cette détresse hallucinante, mais ne veut pas voir sa charité couler au fond de sa gorge, et se transformer finalement en une douleur de cris. Au travers de tous ces hommes, de l’Est, de France, ou d’ailleurs, il ressent pour le vieux noir autre chose qu’une curiosité malsaine.

Tout les jours, où Mamadou traîna, visible, aux alentours de la place Frenay, il prit le temps de l’observer, de comprendre, et surtout, de l’écouter. Un soir, ils partagèrent deux sandwichs, le temps d’un court dialogue.
Depuis, lorsque le vieil homme trouve la lucidité de le reconnaître, ils échangent quelques mots. De temps à autre, il lui offre de quoi se remplir l’estomac avec autre chose que de la vinasse. Et il le voit, parfois, trop souvent, assit à même le sol, sale, puant, ou sur ses jambes, déambulant silencieusement, marmonnant seul, des phrases dites de sa langue natale. Alors il s’éloigne en le laissant, désolé, mais impuissant.

Mais encore jamais, il ne l’avait vu, comme ce fameux soir de décembre où le soleil avait disparu du ciel, parler à un arbre. Penché contre lui, le front apposé sur son écorce, communiquant comme le ferait un ami complice.

Le lendemain et après, Mamadou sembla avoir disparu, du même sursaut qu’il était apparu, soudainement. Autant son départ saignait le décor, marqué par l’habitude de sa présence, autant la date de son arrivée restera une interrogation, une réponse en suspend, car il s’intéressa au vieil homme noir, cet inconnu, comme à beaucoup d’autres choses, par hasard.


JUmo. 2007

samedi 11 août 2007

Curiosité, vilain défaut ?


La distinction des saisons, marquée par les températures, l’ensoleillement, la pluie, devient de plus en plus ardue. L’hiver est devenu doux, si doux que les arbres refleurissent avant l’arrivée du printemps. Les gelées sont tardives et brusques, frappant parfois à la fin Mars, voire début Avril, à l’époque où les giboulées abondaient.

La canicule a marqué les esprits avec un nombre de morts élevé ainsi que toutes les hospitalisations qui l’avaient accompagnée, sans parler des incendies et autres catastrophes. Des plans sécuritaires ont été mis en place par l’état pour que la population ne puisse plus se retrouver sans moyens de défense, face à une vague de chaleur telle que celle que nous avions subit.

Depuis, les étés ne se sont pas succédés sur le même modèle, calmes. Certains chauds, d’autres moins, offrant la plupart du temps une douce arrière saison.

Dans les grandes agglomérations, les gens ne semblent pas marqués par la hausse des températures. Rien n’y fait, la pluie, le vent, un soleil de plomb, rien n’arrête l’activité d’une ville. Les gens se dénudent quelque peu, mais continuent de marcher, droit vers un objectif qui échappe à la vue de tout les autres.

Le mois de Juillet de cette année 2007 commença sur une note relativement exécrable. Les températures nauséeuses, allant d’un extrême à l’autre du jour au lendemain offraient seulement la possibilité, soit de tomber malade, soit de prévoir au jour le jour une série d’activités. Une dizaine de minutes suffisaient à ce qu’un orage intègre une belle après-midi, frappant par alternance tout un monde, agité par le soudain déluge.

Une femme, assise sur un banc public, surveille son enfant tout en observant la foule, l’œil attiré par des attitudes, des cris, des démarches, des discours et certains silences. L’enfant, encore tout jeune, joue autour d’une fontaine inanimée, inanimée de ce qui fait le charme de l’édifice, l’eau.
Rassurée, le petit s’évertue à ranger quelques jouets dans son sac à dos, à en sortir de nouveaux et ainsi se remettre à la lourde activité qu’est le jeu.

Déjà deux fois ils sont allés s’abriter dans un café tout proche, le petit ayant prit à chaque occasion un chocolat chaud ; même par ce temps, il ne prendrait une autre boisson pour rien au monde. Les nuages se rapprochent de nouveau, et elle l’appelle en insistant pour qu’il range son attirail et se prépare à rentrer. Comme tout bambin qui se respecte, les premières réclamations et demandes traversèrent son esprit tel le bref trajet d’une goutte d’eau filant au contact du sol.

Fausse alerte, la menace de l’averse semble passée au-dessus de leur tête, elle insiste une dernière fois en lui rappelant qu’il a déjà gagné dix minutes et pas une de plus. Il acquiesce et continue de jouer. Elle s'adoucit et se relance à scruter les Hommes qui l’entourent.

Comme la plupart des gens le font sans vouloir en donner l’impression, elle tente de se satisfaire du temps qui passe, en analysant les parages, en riant ou en méprisant, en essayant de comprendre quelques situations dont le sens lui a échappé au premier regard.

Au détour d’une rue, elle surprit un homme vêtu d’une cotte de travail. Il marchait à vive allure et ne souriait pas. Jusque là, hormis sa tenue, rien ne le distinguait des autres. Pas très grand, un large front, le sommet du crâne dégarni, il semblait âgé d’une quarantaine d’années.
Elle allait en détourner son attention quand il prit le chemin de sa position. Intriguée elle continua de fixer son corps en mouvement. Il passa devant elle, ils échangèrent un bref regard. Il traversa de nouveau la rue, bifurqua juste derrière un enfant tenant sa mère par la main et sembla les suivre.

Tout arriva rapidement, l’homme étala un grand sourire, révélant des traits enjôlés. Il attrapa l’enfant par le dessous des bras et le souleva de terre en le retournant pour que leurs deux visages se confrontent. Le petit bout de chou, d’un premier élan déconcerté et paniqué, se rassura et embrassa l’homme d’un long baiser sur la joue, enserrant son cou de ses bras. La mère avait de suite reconnu le père de son enfant et avait laissé la surprise s’emparé de lui.

Elle détourna son regard de la scène pour observer son propre enfant, qui s’amusait seul au bord d’un bassin vide. L’afflux d’amour s’empara de son cœur et elle appela son petit Léo, qui se retourna au troisième écho de son prénom, pour se diriger vers les bras grands ouverts de sa mère.

Elle desserra son étreinte et décolla son fils de sa poitrine pour l’examiner de ses yeux de mère ; une goutte d’eau tomba sur le sommet de son front.


JUmo. 2007

vendredi 3 août 2007

L'oeil ouvert.


L’œil ouvert.


Les cheminots sont de ces hommes que les autres jugent feignants par jalousie de ne pas être à leur place ou par simple plaisir, comme une habitude bien ancrée, sorte de mécanisme coutumier. Bien sûr, ils sont dans cette bulle qui tend à prendre soin de son ouvrier, englobant de nombreux avantages, penchants en majorité du côté social de la balance, plutôt que financier. Les retraites, les frais médicaux, les conditions de travail , etc. Un tout qui génère cette facilité qu’on les gens de « l’extérieur » à les accabler d’être dénués de volonté, sujets à la flemmardise, voire inaptes au travail.

Il y en a de ceux là, c’est indéniable, mais pas plus que dans n’importe quelle autre entreprise. Dans notre société, il y a toujours eu de ces gens que la masse traîne derrière elle dans l’élan des tâches à accomplir, tel un boulet. Le cheminot s’insère donc dans son milieu professionnel comme n’importe quel individu, avec sa volonté propre, ses instants de relâchement, ses désirs, ses problèmes.
L’élément posant le soucis le plus dérangeant aux yeux des citoyens est celui de l’âge de départ en retraite. Il ne faut pas oublier que le cheminot finance en grande partie ce régime « spécifique ». Pour la plupart, suivant leur poste, ils se contentent d’un salaire très peu élevé et cotisent très largement dans l’optique de cet « avantage ».
Mais qu’importe tout cela, le cheminot restera, sans émettre de fatalité, dans cette fraction de « mal-aimés », de « détestés » comme une fenêtre sur laquelle entrevoir les raisons du mal-être professionnel, une solution à nos propres soucis au travail. Quantité de gens se persuadent qu’une fois la société exemptée de tout ces « cas particuliers », elle ne pourrait que mieux s’en porter. A bien y réfléchir, cela ne changera rien à notre vie, ces travailleurs perdront de bonnes conditions, leurs avantages, et nous n’y verrons rien. La nouvelle fera la une des quotidiens, tout le monde se réjouira de se retrouver sur un pseudo pied d’égalité et finalement nous retournerons tous à nos occupations par le même train du matin, la même route, rien n’aura changer pour « les autres ».

Dans cette énorme entreprise qu’est la S.N.C.F., tout les corps de métier semblent cohabiter. Le chemin de fer français, ce n’est pas seulement un train conduit par un homme, mais des centaines d’autres qui gravitent autour de cet objectif, dans ce que l’on nomme « la maintenance ». Cette corporation n’y échappe pas, elle intègre des paresseux, joyeux ou malheureux, des courageux ; convaincus et parfois soutenus. Entre ces deux extrêmes, les agents s’affranchissant de leurs tâches avec sérieux, mais sans excès, de zèle ou d’autre nature.
Parmi, Nicolas, vingt-deux ans, physiquement conforme à la moyenne des hommes français, plutôt grand, un léger surpoids, mais rien d’inquiétant. Confiant, il a les respect de ses supérieurs, car c’est un milieu très hiérarchisé que la S.N.C.F., ainsi que celui réciproquement partagé de ces collègues. Il tente d’avancer dans sa vie à hauteur des moyens dont il dispose, se complaisant de plaisirs à portée de ses revenus.

La plupart du temps plein d’entrain, maquillé d’un humour proche de l’autodérision, il goutte à ces jours où la santé et la bonne humeur ne sont pas au rendez-vous. Face à ces conditions, il dépasse ce passage à vide en restant fidèle à l’image qu’il donne de lui, quoiqu’il advienne. Une baisse de volonté est néanmoins présente, les interventions deviennent ardues, les reproches plus pesant.

Et un jour alors qu’il était depuis peu intégré à l’équipe, dont il fait partie depuis huit années maintenant, il se trouva surpris, immensément désolé et tellement idiot.
Accablé par une migraine récurrente, il sortait des fosses de travail*, et remontant une des rampes d’accès en tirant sa charrette d’outillage, ses yeux tombèrent sur le petit Yannick.

Majeur depuis peu, le sourire aux lèvres, maigre et à l’apparence fragile, il s’agitait en tout sens. Attrapant outils, fouillant à la recherche de vis, d’écrous, déboulant et à l’affût de la moindre nécessité de l’intervention qu’accaparait toute son attention.

Nicolas regarda, l’observa, fou de s’attarder sur son propre sort, alors que d’autres affrontent inlassablement les petites comme les grandes difficultés.

Jusque là, rien de surprenant à la comparaison, l’impact de la parallèle pouvait ne pas marquer, ne pas s’immiscer à une place de souvenir impérissable, mais Yannick n’était pas de ces jeunes hommes emplis d’énergie, survoltés par simple réaction à la vivacité qui les possède. Un détail de poids créait ce qu’il portait comme un nom, un étiquette, un trait de sa personnalité ; il boitait. Il se déhanchait de droite et de gauche, d’un pas lourd, beaucoup trop ample pour n’être que le résultat d’un incident passager. Une jambe se courbait, dessinant un arc vers l’extérieur à chaque pas. Il était manifeste qu’il titubait d’un handicap. Et malgré l’importance que Nicolas lui portait, Yannick ne semblait pas en être affecter, il vivait avec comme lui avait dix doigts et deux mains, cela faisait partie intégrante de sa vie. Il avait choisit d’avancer plutôt que de reculer, d’être là, à vivre contre la différence et l’indifférence.

Il est de ces rencontres, de ces situations intenses qui marquent les esprits, rendant nos soucis incroyablement plus légers. De quoi se complaire, si dangereuse soit l’excessive complaisance, elle en demeure nécessaire à l’affrontement d’instants difficiles… Encore faut-il posséder de quoi l’apprivoiser.

*Tranchées ouvragées pour faciliter l’accès sous les rames.


JUmo. 2007

lundi 2 juillet 2007

Thé ou Café


Thé ou Café.

Aujourd’hui tu te lèves, tu te réveilles. Il est quasiment l’heure de l’aurore. La sonnerie ne devait te claironner qu’à cinq heures, et pourtant, tu ne te rendors pas. Tu tournes, te retournes. Impossible, le sommeil s’est envolé et ne reviendra pas.

Debout, direction la salle de bain, tu prends le rasoir et tu te coupe la barbe. Tu prends une douche, qui te sort agréablement du brouillard nocturne encore présent jusque là. Dans la cuisine, un café se réchauffe en suivant le mélodieux son de la minuterie intégrée au four micro-ondes. L’alerte tinte, le liquide est chaud. Tu le bois sans réelle conviction de bien-être, par habitude. Tu engouffres quelques bouchées de pain, et enfin, tu te replonges dans le livre que tu lis depuis une poignée de jour. Une satire de notre société, la première que tu lis. L’auteur habile a immergé ses critiques dans une projection autobiographique, futuriste, à l’allure d’un roman de fiction.

Il est cinq heures, tu as eu le temps de lire tout en vidant ton bol. Ton père se lève, descend les marches de l’escalier, t’embrasse. Tu ne peux plus lire, vous parlez. De la journée qui débute, de ce que chacun, vous allez accomplir tout au long de celle-ci.

Ta mère arrive, elle aussi, mais ne dit rien. Son état grippal et l’heure matinale ne sont pas du meilleur effet, surtout cumulés. Vous vous direz bonjour vingt minutes plus tard.

Tous vous êtes assis, buvez votre café et personne ne dit plus rien. La famille c’est quelques fois cela, on échange avec chacun, mais pas forcément avec tous.


JUmo. 2007

dimanche 24 juin 2007


Entre les deux chaises (bancales) de son monde.


La voici, victime de son propre charme, partagée dans l’indécision de son avenir, ne sachant plus si faire face serait encore bien utile. Elle se prépare même à faire demi-tour, retourner sur ses pas, après le sacrifice de sa santé, morale et physique. L’instruction et la connaissance n’avaient pas ce goût amer de la déception, elles sont progressivement devenues récurrentes, assourdissantes, difficiles. Elle, pourtant si confiante, était attentionnée, à l’écoute. Cette confrontation avec le monde aigri, jetable, où tout n’a plus de conséquences, fut la marque des balbutiements d’un temps de méfiance, d'embarras.

Il y a des hommes, exaltés, qui éblouirent son regard, auxquels elle tenta d’offrir ce que quelques autres espéraient de tout leur être, sa confiance, son esprit, son amour. Cet amour de la vie qu’elle vous communique au premier regard, au travers de ce sourire si particulier, marqué de fatigue, dessiné sous les cernes d’une nuit encore trop courte. Finalement, des hommes communs, épanouis dans un environnement, qui n’était pas le sien.

Des suppositions qu’il accumule dans son esprit, voilà ce qu’il n’ose pas affirmer dans ces quelques lignes. Il est convaincu d’être un de ceux, non-exaltés, qui, guidés par la pudeur et le respect de cette femme, sont restés légèrement en retrait, attendant du mouvement, jusqu’au jour où tout partager devient nécessaire. Acculé et espérant, il a dû admettre qu’il fut et est éperdument amoureux de cette âme, découverte au hasard de sa vie.

Aujourd’hui, il a l’impression d’être devenu un de ces vautours, tournant autour d’une bête blessée, meurtrie par le destin. Elle n’en est plus à l’étape du partage, de la découverte. Elle refoule, même à contre cœur, toute manifestation de l’intérêt que l’on peut lui porter. Besoin de faire le bilan ? Il ne sait pas. Il ne sait plus. Il est lui-même fatigué de n’être qu’un loup de plus tentant d’entrer dans la bergerie.

Il l’aime, elle le sait, le reconnaît. Lui n’a que cet amour à offrir, ayant déjà eu peur de lui ouvrir cette porte qu’elle ne franchit pas… Les autres s’entrebâilleront peut-être sur le seuil de celle-ci.

JUmo. 2007

lundi 7 mai 2007

Plaisir de l'inattendu.

Plaisir de l’inattendu.


Le soleil commence à décliner sur cette journée de mercredi d’un mois de Mai, s’ouvrant à la chaleur d’un été qui se rapproche. Un homme sort de la Gare de Lyon, en empruntant les galeries donnant sur la Place H.Fernay. Francis Florin s’arrête immobile au milieu de l’endroit, cette place qui, pour lui, n’en est pas vraiment une, puisque demi-circulaire. Il laisse les rayons inondés son visage ainsi que son corps, quelques secondes avant de reprendre son chemin.

Comme à son habitude, il avance dans la direction de l’avenue Daumesnil, de tout son long bordée par les Arcades ; magnifiques ouvrages abritant luthiers, ateliers de confections et galeries en tout genre. Il gravit les quelques marches qui accèdent à la Coulée Verte, sur les « toits » des fameuses Arcades. Ce sentier boisé s’étend de la Bastille jusque par-delà la pelouse et le tunnel de Reuilly, envahi de verdure, de fleurs, aux allures de véritable parc, magnifiquement entretenu. Les arbustes taillés, les rosiers bourgeonnant ou éclos, de rares coquelicots et une ambiance sereine entraîne Francis le long de cette voie, aux aspects d’escale apaisante, rappelée à son existence parisienne par le seul écho des automobiles et de leur klaxon.

Il redescend de ce petit nuage par un des nombreux accès éparpillés, judicieusement dissimulés derrière un bosquet, dans un recoin, où seul un petit panneau vous indique que vous pouvez sortir de vos rêveries par-ici ou par-là. Rejoignant la place du Colonel Bourgoin, qui arbore en son centre une fontaine aux aspects centenaire, il traverse deux passages piétons pour entrer dans une brasserie, « La Fontaine ». Le lieu rappelle celui de sa naissance, où il occupe l’angle de la rue Erard et de la rue de Charenton, exposé à la vue, aussi discrètement qu’agréablement intégré au paysage.

Une fois à l’intérieur, il cherche toujours une table tranquille, à l’écart des clients attirés par la lumière bienfaisante de l’astre qui recouvrent les sièges étalés sur le trottoir. Assit sur une banquette, il ouvre les pages d’un livre en cours de lecture, et plonge dans la mer de mots qu’il boit, accompagné de la saveur d’un café, ni trop chaud, ni trop frais.

Il reste concentré plusieurs chapitres, et parfois, quelques pages seulement, dégrafé des lettres par un son, une image, il relève la tête pour en saisir l’origine. Là, c’est une petite fille qui joue entre les bancs de la salle toute proche de la cuisine, remuant un cerceau jaune et noir dont le diamètre la dépasse légèrement. Une autre enfant s’amuse avec elle, toutes deux de jolies petites têtes blondes aux sourires enjôleurs, qui pousse le sien à apparaître. Turbulentes et malines, elles contournent les avis et restrictions habilement distribués par la serveuse, sous ce ton calme et aimant, aussi tendre que le sourire de Francis.

Une accalmie lui permit de se replonger durant quelques lignes dans son livre. Une seule des deux petites filles revint, et curieusement se mit à le dévisager, les yeux grands ouvert, le visage sans expressions, presque impressionnée, pourtant, lui affichait son plus bel air d’homme attendri ; auquel elle ne répondit qu’en s’éloignant vers le comptoir. La timidité des enfants à ce don de l’émouvoir au point d’en oublier leurs mauvaises manières. Cette fois, il est complètement en dehors des péripéties théâtrales de l’auteur, tombé du fil de l’histoire qu’il tentait de continuer. Il attend le retour de la gamine, qui reparût en quelques instants, pour disparaître dans la cuisine d’où la grosse voix du chef résonnait de temps à autres, aussi paisible que chaleureuse. Elle en revint avec une assiette que ses deux petits bras, terminés par de toutes aussi petites mains, avaient du mal à soutenir. Elle s'installa quelques tables plus loin que Francis, posant délicatement son repas, par de petits gestes mal assurés, volant un nouveau sourire du discret lecteur interrompu.

Accoudé à sa table, il regardait l’enfant déguster ses haricots verts, ainsi qu’une tranche de pain toastée, à l’apparence juste ce qu’il fallait pour qu’elle s’en régale sans rechigner. En silence, elle mangeait, le cerceau pendait au dossier de sa chaise, patiemment en attente de retrouver son rôle de jouet d’un soir. De cette même quiétude, Francis observait la petite, qui lui rappelait l’innocence d’une enfance pas si lointaine, où il traînait ses baskets sur ce même trottoir qu’il apercevait à travers la baie vitrée. Il n’était pas seul à la contempler, puisque la serveuse affichait aussi ce magnifique sourire chaud, affecté, presque ému, qu’elle conservait tout le long de son service, mais qui prenait là une autre dimension. Il croisa son regard l’espace d’une dizaine de secondes, et leurs pensées s’entrelacèrent autour de ce spectacle sans autres équivalents que les souvenirs qui devaient les envahir tout deux.

La petite finit par se lever en débarrassant ses couverts, son assiette, et lui, reprit quelques temps sa lecture, mais sans pouvoir réellement réintégrer le pouvoir des mots. Il se leva, reprit un café en se dirigeant vers le comptoir, le soir était tombé. Après quelques bavardages avec le patron, il quitta les lieux sur un ultime regard pour la mignonne petite Julie et sur un « au-revoir » aux consonances d’un « à demain ».


A Pascal et toute l’équipe, mille merci pour un si bon accueil quotidien.

JUmo. 2007

jeudi 25 janvier 2007

Et si la Lune avait des yeux.


Et si la Lune avait des yeux.


Une jeune femme avance pas à pas dans le sol poussiéreux d’une rue de Rome, elle marche doucement. Elle tient à la main un bâton, long et bien élagué, une branche de noisetier, souple et pourtant solide à la fois. Tout autour les gens produisent ce bourdonnement lourd d’une foule qui renaît chaque matin. Elle titube sur un caillou, que ses yeux ne peuvent voir, et que sa longue canne n’a pas rencontré. Elle s’arrête un instant et écoute. Dans un arbre, pas si lointain, un oiseau chante, si faiblement qu’il lui faut se concentrer pour décrypter sa mélodie. Un rouge-gorge lui semble-t-il.

La voilà repartie, de nouveau immergée dans le bruit alentour, concentrée sur la destination de ses pas, s’appliquant à produire de sa main des demi-cercles quasi parfaits, assurance éphémère de sa sécurité. Elle n’est pas loin d’arriver à destination, les échos ont changé et la ville se mue en différentes manières, les sons prennent en force selon si l’on se trouve en bordure du Colisée ou du marché, et se minimisent à l’approche d’un chemin longeant le Tibre.

Sa canne heurte une marche de grès, qu’elle enjambe délicatement, se retrouvant sur le parvis de l’entrée d’un édifice, que sa main reconnaît en caressant la porte de bois. Le lourd anneau d’acier résonne derrière le seuil, et quelqu’un vient lui ouvrir. Trois mots échangés et elle continue de traverser les couloirs, comme les rues de la ville, aider de sa baguette, mais à l’abris du capharnaüm externe. A l’intérieur, tout les sons ont une espèce de jumeau, qui se répète quelques fois avant de s’étouffer définitivement contre les murs épais de l’édifice.

Une autre porte s’ouvre devant elle, elle entre cette fois-ci dans une salle qui lui est toute réservée depuis bientôt cinq années. Un jeune homme l’y attendait, une plume à la main, affalé sur la table. Devant lui, un encrier de plomb et du papier. Il l’accueille d’un sourire qu’elle devine plus qu’elle ne le voit, et s’asseyant à ses côtés, ils parlent ensemble de la journée qu’ils se doivent de remplir.

Il est pour elle ses yeux et ses mains, habiles à écrire rapidement les pensées qui viennent à cette femme de dix-neuf printemps, chanteuse, poète, actrice au théâtre de Marcellus, compositrice de petit talent mais de grand cœur, comme disent certains spectateurs de la haute société. Tout ces métiers de la scène qui lui ont plu depuis le premier soir où elle s’était aventurée, par le plus grand des hasard, contre un mur du théâtre, juste sous une fenêtre qui laissait s’échapper un air délicat, émanant de la voix d’une femme.

Elle est pour lui, bien plus qu’un débit majestueux d’idées ou de paroles, elle est comme un soleil qui se lève inexorablement, comme un coq qui chante, ou comme la fleur qui renaît. Elle est la plus belle des femmes, non par sa beauté naturelle, ni par ses excès effrénés de gentillesse, mais simplement parce qu’elle combat nuit et jour la vie contre ce qui lui a été enlevé dès sa naissance, la vue. Il lui donnerait ses yeux, sa plume, sa vie.

Il lui raconta un jour ce dont peu de personnes parlent, les étoiles, la Lune, les comètes, le ciel de la nuit, aussi magnifique que la lumière de midi. Elle devint amoureuse de cette idée que la Lune est une surface ou ses pensées peuvent se regrouper, et d’où personne ne peut les décrocher. L’illustration parfaite d’un monde à sa portée. Et il n’est pas rare, qu’au soir venu, il se mettent tout deux à parler de la nuit. Parfois, il se lève, et ouvre alors la fenêtre, sans le lui dire, car elle le devine, par le courant d’air frais qui s’est immiscé le long de son cou. Elle lui demande de décrire, inlassablement ce qu’il voit, et lui, répète toujours les même mots : « Je vois les étoiles, un ciel sans nuages, une Lune qui brille, et je te vois, au travers de tout cela, t’élevée bien plus haut qu’elle ne le pourra jamais. »

Elle écoute ses mots et les boit, en conservant cet aspect stoïque, comme intouchable, sans y être indifférente. Il a apprit à être patient. Et c’est ainsi qu’ils retournent tout deux, à leurs écrits et leurs songes, dans le silence qui pèse pour lui, autant que sa cécité.

Certains êtres, les yeux ouverts, voient autant que l’aveugle qui se bouche les oreilles.


JUmo.2007

vendredi 19 janvier 2007

L'échappée.

Vie d’aujourd’hui.


Une soirée de plus, passée seul… Avec ma conscience, ma guitare, un livre, ou la télévision, chacun à leur tour, le dernier me servant souvent de marchand de sable.

La musique ?… Comme tout le monde, j’ai mes préférences, mais elle est devenue indispensable dans toutes mes occupations. Quand je bricole, rêve, m’endort. Et puis il y a les instants où je suis seul avec ma petite guitare, je bidouille des petits morceaux pas bien difficiles, cherche des mélodies inédites, de mon cru ou issues d’un mix’ entre une rythmique devenue trop difficile et un solo infaisable… A mon niveau d’amateur. Il m’arrive de ne pas jouer pendant plusieurs jours, elle m’attend sur mon lit, comme toujours.

La musculation ?… Un hobby… ?

Oui c’est peut-être plus qu’une occupation, mais j’ai canalisé ma rage et ma puissance dans ce sport. Ce qui était préférable à d’autres moyens « Défouloirs » beaucoup moins adaptés, dans l’optique de reprendre le dessus sur la mélancolie et la tristesse. Cela dit, à la vue de certaines personnes, les termes employés plus haut, de rage, et surtout puissance, sont extrêmement relatifs. Des Hommes pratiquant depuis, certes, plusieurs années ce sport, se montrent capable d’une énergie phénoménale. Je reste humble…
Ce passe-temps enferme pas mal de catégories de gens, se distinguant principalement les uns des autres par leurs aptitudes, ou bien par la motivation, la psychologie ou le simple courage. Deux types de « sportifs » se dégagent tout de même. Les sérieux et rigoureux, ceux qui ne trichent pas, à vouloir jouer contre le temps, par l’utilisation de produits annexes… Et il y a les impatients, ce sont les hommes qui se concentrent plus sur le moyen le plus rapide de prendre de la masse musculaire. Alors Ils finissent toujours par se blesser et finalement perdre un temps qu’ils auraient pu utiliser à être plus strictes avec eux mêmes. L’alimentation est la clef de tout.

La lecture ?… L’écriture… ?

Deux sauveurs à part entière, j’apprécie plus écrire que lire, mais il est plus difficile de rédiger.

J’aime caresser les pages des livres que je lis, sentir le papier sous mes doigts, ondulé et vieilli par le temps. Les vieux livres ont une âme. Ils ont été lus et relus par d’autres personnes avant vous ou moi.

Acheter en brocante ou dans des boutiques, librairies et dérivées, même si l’histoire ou le contenu a un rendu médiocre, et bien il est là entre vos mains et attend votre jugement. C’est seulement arrivé à la dernière ligne que vous déciderez de le garder ou de l’abandonner.

Votre esprit conservera dans un recoin, ces souvenirs des heures passées à décrypter et analyser les mots, expressions qui découlaient des pages d’un vieux livre.

Et là, ce qui restera de tout ces moments, la seule chose qui me revient, c’est que ce sont les livres et lectures qui m’ont aidé. La connaissance, l’évasion, se sentir un peu libre de toutes sensations humaines. Ces instants m’ont permis de me demander qui j’étais et pourquoi je suis ce que je suis.

Mes principes et idéaux me pèsent bien plus qu’il ne faudrait. Il n’est pas toujours si simple de les appliquer, les respecter.

Les Hommes sont ce qu’ils sont, je ne pense pas être meilleur qu’un autre, mais je sais qui je suis aujourd’hui, je ne joue pas avec la vie ou les sentiments.

L’intérêt que je porte à la lecture ou l’écriture me rappelle que mon passé n’est pas si ancien et la sagesse deviendra mienne lorsque j’accepterai le monde dans lequel je vis comme il est.

Un homme ou une femme qui pense pouvoir changer celui-ci tout seul passera son existence poursuivi par la déception.

Je songe parfois à écrire autre chose que mes pensées et ma philosophie, comme des nouvelles, empreintes de réelles histoires, captivantes et non pas à l’aspect pitoyable. Je ne suis pas un grand lecteur, j’aime lire, voilà tout.

Une espèce de pouvoir m’envahit quand je tourne les pages, quand je ferme mon livre en cours et que j’en regarde la tranche pour y voir le marque-page dépassé et me dire que je n’ai pas perdu mon temps.

Quelqu’un qui écrit, mérite d’être lu, dans la mesure de l’intérêt que vos goûts portent au sujet développé bien sûr.

Oui les livres, les feuilles, mes crayons et gommes m’ont aidé dans la découverte de qui je suis, ou du moins de ce que je veux devenir… Un homme que mon ego respectera et qui ne plaira jamais totalement à ne serait-ce qu’une personne, puisque la tolérance exprime aujourd’hui être du coté de ceux qui se plaignent au lieu de celui qui se tait et change.


JUmo. 2006.

vendredi 5 janvier 2007

Septième sens.


Septième sens.


Un homme, tout habillé de noir, ni grand, ni petit, les cheveux d’un brun foncé, les yeux troublés de fatigue, se dirige au gré de ses pas mal assurés dans une galerie marchande proche de chez lui. Toutes les vitrines sont obscures, les rideaux de fer clos. Il est tôt, la journée ne fait que débuter, et aujourd’hui il ne travaille pas. Le sommeil difficile, il s’était levé au beau milieu de la nuit, et en surfant sur l’Internet il avait atterri sur des pages web assimilées à des concours d’écriture.

Il y en avait des gratuits, d’autres payants, mais aussi certains à thème imposé, ou alors libre. Il ne s’était intéressé qu’aux sujets justement, attiré par la perplexité qu’ils pouvaient lui inspirer. Parfois de simples mots sur lesquels il faudrait que l’auteur brode toute une histoire, parfois des phrases entières, exigeant un contexte à l’aspect difficile.
Un de ces concours ne l’attira pas plus que cela aux premiers abords, mais il fût tout de même intriguer par le thème, qui lui donna matière à réflexion, sans intentions d’y participer ses cellules grises s’entrechoquèrent afin de trouver une trame, un semblant de début d’histoire, comme si elles le poussaient à cogiter ses idées, partagées entre le souffle du thème proposé et son imagination.

Il trottina encore quelques minutes avant de prendre finalement un bus qui l’emmena dans un quartier qu’il affectionnait pour sa tranquillité matinale, et paradoxalement pour son activité qui se réveille progressivement tout au long des premières heures de la journée. Il regarda autour de lui, dans le bus, quand il en descendit, il observait toujours son environnement, le regard attentif sur de petits ou de grands détails.
Le thème du concours courait inlassablement dans son esprit, à travers deux mots, comme l’air d’une chanson apparu soudainement que l’on fredonne contre toute volonté, refrain que l’on affectionne souvent pas tellement, mais qui persiste malgré toute envie.

« Ile, îles », comment créé une œuvre originale sur ce thème, sans pour autant tomber dans le plagia manifeste d’un « Robinson Crusoé » ou d’un crash en avion, dans lequel un homme fera, seul, face aux délires de la nature sur un lopin de terre désert ? Il y a aussi l’option du rêve, de l’imaginaire optimiste, inséré ses désirs dans la description d’un petit paradis façonné à l’image de ses sentiments.

Le voici qui entre dans une brasserie, il s’assit, commande un café et observe le flux de passants, de voitures, dehors, dans la rue qu’il perçoit par delà la baie vitrée. Il voit des Hommes grands, petits, maigres, énormes, à la peau noire, brune, blanche, et il les dévisage depuis sa chaise, inaperçu. Tous calqués sur ce chemin invisible, tracé sur le trottoir, comme si des flèches indiquaient la route à suivre sur le sol, ils ont, pour la plupart, les yeux rivés sur le goudron que foulent leurs pieds.
Une fourgonnette s’arrête brusquement sous son regard, détournant toute son attention sur le bruit strident du freinage, et sur la femme qui en sort en claquant la porte derrière elle. Une autre auto stoppe à la suite de la première, cette fois un homme en sort en criant sur la femme, qui manifestement l’attendait. Tout deux s’insultent d’un flot de mots quelquefois incompréhensibles, et lui, il boit son café en s’imaginant la scène qui avait dû se produire quelques minutes avant l’altercation en cours. Sûrement une priorité non cédée ou un acte de conduite similairement dangereux, ou peut-être même un accident à proprement parler.
Il se penche en restant assis, et constate que le feu arrière gauche de la camionnette est brisé ainsi qu’un peu de tôle légèrement enfoncée. La voiture a légèrement plus souffert du choc, un phare pend, une aile est complètement froissée, et le bouclier avant est détaché d’un coté, frottant à même la route.

Pendant quelques minutes, il les regarde donc passer de l’étape d’extériorisation de leur colère, à celle de la maîtrise de soit, en passant par de violents élans spontanés d’explications de la scène, chacun campant sur ses positions de bon conducteur. Il commanda un autre café, et détourna les yeux. Au delà de la porte, il vit un autre écoulement du temps, tout aussi paradoxal que son intérêt pour la tranquillité de l’aurore du quartier, et l’activité graduellement grandissante, le calme opposé à la foule.
Un autre homme et une autre femme ne criaient pas, ne faisaient pas de grands gestes, mais se considéraient avec grand respect, presque enlacés de leurs bras. Ils s’embrassèrent brièvement avant de se séparer, la femme prit le chemin fléché sur le goudron et l’homme la fixa peu de temps avant de s’en aller dans une direction différente.

Un sourire se glissa aux creux de ses joues, non pas surpris par ce qui par ce qui venait de se dérouler sous son regard, mais plutôt content de voir et d’espérer que pour chaque manifestation de la violence des Hommes, il existe aussi son contraire, l’illustration de l’humanité, en tant que qualificatif, par l’intermédiaire de ce genre de petits évènements, silencieux ou même inaperçus, mais néanmoins présents. Il but quelques gorgées, plongeant ses yeux dans le noir du liquide encore fumant, et il trouva enfin une idée qui collerait au thème, pouvant sûrement être développée par un volontaire, tout en émettant cette originalité recherchée par tout auteur comme un symbole d’identité littéraire.

Pourquoi ne pas confronter l’image de l’île, des îles, à celle de l’humeur changeante des Hommes ? Ou encore à leur conscience ? Car même si chaque personne réagit plus ou moins spontanément à une situation donnée, elle communique sans cesses avec son inconscient. Elle travaille à l’élaboration de projets, de la liste des tâches d’une journée, à l’envie générale, au désir de possession ou, plus explicitement, à la création d’un environnement où le corps et l’esprit peuvent se complaire.
Chaque Homme possèderait donc son île, sorte de monde créé à l’image des pensées de son propriétaire, et où lui seul peut totalement tout explorer, sans pour autant que cet univers soit clos. Ce serait une île sans autres limites que celles fixées par les principes ou les envies. Les lunatiques ( que nous sommes tous plus ou moins ) évolueraient tantôt dans un champs de coquelicots immergé par la chaleur d’un été vivace, tantôt dans les gris nuages d’un ciel d’automne, selon l’humeur.

Voilà un sujet intéressant à développer, mais il faudrait probablement plus que cette base pour décrire un raisonnement correct émanant de l’idée principale. Un amateur de philosophie s’en accommoderait. Un auteur capable de faire le discernement nécessaire à une écriture nette et bien illustrée par un vocabulaire aussi fourni que possible. D’un seul coup, il y pense, pourquoi l’auteur ne laisserait pas le lecteur songer à son île ? Mettre des bornes, tel un jeu de piste que l’esprit devrait suivre page après page, ligne après ligne, il n’y aurait rien de plaisant à se laisser guider par les envies, même bien écrites, d’une autre conscience que la sienne. Car pour cet homme assis sur une chaise, à boire un café dont la teinte vient de lui révéler de magnifiques pensées, chacun est philosophe, pour cet être, un Homme qualifié de philosophe n’est rien de plus qu’un esprit qui a prit le temps d’aplanir ses idées sur le papier, une sorte de penseur organisé.

Il parlera de tout cela à un ami, petit écrivain, attiré par l’écriture comme relaxante activité, qui ne suit ni tendance littéraire, ni désir obsessionnel de reconnaissance. Oui, lui saura créé un texte, aussi court sera-t-il, mais qui reflètera tout à fait le sujet et l’intrigue de ce qui vient de germer dans sa tête. Il lui confiera les petits détails, l’accident, l’embrassade et il le laissera faire passer par l’intermédiaire des mots ce message issu de la réflexion d’un Homme, appelant tout ses congénères à prendre le temps d’en faire autant. Il se leva, paya, et sortit souriant de sa matinée passée à réfléchir, satisfait de contribuer à l’expansion de son île.


JUmo. 2007

lundi 1 janvier 2007

Plaisirs charnels et sentiments.


Plaisirs charnels et sentiments, un choix à faire ?



Dans un monde emplit d’une tolérance étalée sur toutes les lèvres et une société immergée dans la corruption et le mensonge, deux « valeurs » prédominent, deux sujets controversés s’étalent sur toutes les lèvres : Le sexe et l’amour.

Tous autant que nous sommes, homme ou femme, qu’importe nos origines ou nos songes, nous avons été amoureux, envahis de cette allégresse qui pousse souvent à la folie, ou au chagrin. Mais par conséquent, nous avons aussi connu cette tristesse, suite à une rupture ou simplement parce que ce sentiment n’était pas réciproquement partagé.

Les uns se morfondent sur eux même, les autres accusent l’incompréhension sans même analyser les évènements qui ont pu les conduire à cette conclusion. L’orgueil remplace la réflexion, les mensonges et la mythomanie ont mis en place un état de fait dans lequel nous sommes tous installés. Il faut plaire, mais dans quel but ?

Les mœurs de la vie d’aujourd’hui, font que les Hommes ne retiennent qu’une chose, il faut être plus malin que son voisin. La perfidie a remplacé l’honnêteté, la violence des propos ou des gestes supplante la sincérité et la fidélité.

Un cercle vicieux s’est formé. Pour profiter de la vie, il faut emplir son cœur de regrets, mais toujours avancer, regarder devant soi. Cela a mené la catégorie d’Homme que nous sommes vers le dénigrement des valeurs sentimentales qui faisait que nous étions, avant tout… Humains. ( plus loin, qu’un mammifère à deux pattes … )

Ainsi, la société a mis le sexe a une place qui ne lui revient pas. Certes l’acte en lui-même amène vers un état second, un bien être quasi inimitable de l’âme et du corps, un des rares plaisir immuable de la vie. Mais parce que le sexe est un sujet qui émane de toutes les pensées, et que le peuple est devenu justement si instable et profiteur, devons-nous nous offrir comme un simple kleenex qui se jettera après usage ? Sous quel prétexte devons-nous céder notre humilité et notre honneur d’Homme à un peuple devenu quasiment nymphomane ?!

Oui, le sentiment amoureux est l’un des plus difficile à accueillir dans notre esprit, mais c’est aussi le seul qui vous offre la possibilité d’ouvrir votre âme et votre cœur à travers cette vie si difficile s’étalant devant nous. Les déceptions font, et feront encore très longtemps du mal à nos pensées, et nous devrions passer du coté du fléau que nous affirmons tous sous la forme de phrases aussi diverses que : « Putain, quel enfoiré celui-là, il m’a fais cocu… » ou bien encore « Maintenant, je profite de la vie, plus de sentiments … » ?

Non, maintenant je vais vous parler de mon propre avis en affirmant celui-ci en parlant à la première personne. J’ai des yeux pour voir et des oreilles pour écouter, et je déplore de voir que le pessimisme, d’une société devenue « jetable » jusqu’à nos sentiments, guident nos pas, et je refuse de me conformer à ce jeu qu’est devenu le partage de moments charnels, dénués de sens, de symboles. L’acte sexuel, au delà de l’aspect de continuité de la race humaine, est pour moi une preuve d’amour, de respect, de confiance.

Bien à vous, simples Hommes que nous sommes tous.


JUmo.

Emotions.


Emotions.


Réveillé, il écoute dans le noir ces chansons de ce nouvel artiste découvert cet après-midi.

Un anglo-saxon comme tant d’autres avant lui, mélangeant agréablement les mélodies à la guitare, les lignes de basse et les textes à consonance dramatique. Ces chansons qui font mal et réveille en lui la douleur. Trois minutes d’un chant, piste numéro 6, et dès la fin, il presse le bouton « repeat », afin de rester immergé dans cet hymne aux larmes.

Il ne dort pas, mais devrait s’être assoupi depuis déjà bien longtemps. Le jour qui arrive sera sûrement décisif quand à la mise en place de nombres de ses petits projets d’avenir, fruits de ce futur si incertain s’étalant devant lui.

Il semble être perdu entre ses envies et les réalités de ce monde. Il aimerait mourir, s’évanouir demain, afin qu’il se passe enfin quelque chose qui ne ressemblerait pas à ce qu’il vit aujourd’hui, ou ce qui se passait hier. Plus d’incompréhension, tout sera clair comme au commencement de toute vie.
Plus de but à atteindre, fini les déceptions, adieu à l’horreur de cette demi-conscience cohabitant avec son cœur depuis trop longtemps.

Il ne serait pas le plus heureux ?

Rien de plus vrai, mais il ne participera pas à ce suicide collectif de soixante-dix ou quatre-vingt années auquel nous vouons notre vie, en nous levant chaque jour, pour nous recoucher, fatigué et exténué d’une journée qui ne nous a finalement pas appartenue.


JUmo.